Au terme d’un tour du monde des meilleures surprises pour la fin de l’année, une fois passé aux pays des livres avec Agnès, de la maroquinerie avec Nathalie, une pause thé semble parfaitement à propos. Maïmouna est la créatrice de Kanthé, une maison de thé africains. Pourquoi Kanthé ? Quelle entrepreneure est-elle ? Quelle femme est-elle ? Quelles ambitions infusent en elle ?
Maïmouna affirme que l’amour est dans le thé. « Pour en boire, il ne faut que l’eau, de quoi la chauffer et un peu de temps : le thé sera toujours un compagnon agréable ». Il s’invite aujourd’hui aux plus grandes tables, en lieu et place du vin.
Aujourd’hui 3èmeproducteur mondial notamment grâce au Kenya, le continent africain est incontestablement l’un des acteurs essentiels sur le marché du thé. En effet, plus d’une dizaine de pays africains produisent du thé, en grande majorité des CTC (Crusing-tearing-curling) un processus mécanique qui transforme la feuille de thé en toutes petites perles, essentiellement destinées à la fabrication des thés en sachets.
Site Kanthé Paris
Bonjour Maïmouna. Si tu devais te définir en trois mots, lesquels serait-ce ?
C’est un peu compliqué… J’ai l ‘impression de changer à chaque instant.
Si je devais résumer mon état d’esprit aujourd’hui, je dirais infatigable – je n’arrête jamais -, déterminée et surprenante.
Pourquoi le thé ? Pourquoi Kanthé ?
Le thé est une passion. Il est dans ma vie depuis très toujours.
J’ai commencé à en consommer très jeune, en Guinée. Nous en buvions tous les jours. Les après-midi, j’étais missionnée, avec une cousine, pour en acheter. En guise de récompense, nous recevions des sous ou nous buvions un thé. Aujourd’hui, cette passion est devenue ma profession. Le thé est donc entré dans ma vie de la façon la plus naturelle.

Quelle place occupe la durabilité, la traçabilité, les questions sociales et environnementales dans ton entreprise ?
J’ai fait le choix de collaborer avec des plantations qui partagent mes valeurs, qui accordent une attention particulière à l’environnement, aux travailleurs et aux travailleuses. J’aimerais citer mes partenaires du Rwanda ou du Malawi qui facilitent la vie des femmes avec une crèche, pour permettre leur retour à l’emploi, assurent des bourses aux étudiants. En tant que mère, cette attention m’a beaucoup touchée. L’autonomie est la base de tout le reste.
Leur gamme bio garantit la non-utilisation de pesticides. Chaque emballage doit pouvoir disposer d’une seconde vie. Nos boîtes sont rechargeables, constituées à partir de papiers recyclées et sont biodégradables. Cette sensibilité à l’environnement, au bien-être des collaborateurs est essentielle. C’est cela aussi qui transforme les instants de dégustation en moments privilégiés.
Le Kenya
Le Kenya est aujourd’hui le premier producteur de thé du continent africain et le troisième au monde. Plus de 150 000 hectares de jardins sont désormais consacrés à la culture du théier pour une production annuelle qui dépasse les 340.000 tonnes.
Kanthé Paris
Quelle est ta clientèle aujourd’hui ? Quelle clientèle cibles-tu ?
Nous avons un peu de tout. Nous sommes actuellement en phase de développement de la marque. Il s’agit donc beaucoup de B to B, de commerçant à commerçant : des épiceries fines, des concept store, des restaurants, des salons de thé. Le B to C, les particuliers, sont très souvent des urbains, basés à Paris, en région parisienne, en province. Il existe aussi une belle clientèle originaire d’Allemagne et d’Italie.

Tu proposes une collection capsule en collaboration avec Tensira. Peux-tu nous raconter l’histoire cette rencontre ?
La Guinée nous a rapproché. Nous sommes toutes et tous d’origine guinéenne.
Leurs pièces me rappellent le travail des femmes que je regardais tisser, étendre les pagnes en coton lorsque j’étais enfant. Lorsque j’ai découvert Tensira, j’ai retrouvé cette tradition, cette histoire qu’ils ont su moderniser, à laquelle ils ont apporté une autre dimension.
Par Kanthé, je souhaite partager le savoir-faire africain. Les emballages sont pensés pour être réutilisables. Pour le coffret découverte, la pochette Tensira coulait de source : un savoir-faire guinéen, des tissages d’origine, des teintures…
Lorsque le coton arrive en Guinée, il est filé, tissé et peint par des femmes. C’est un savoir-faire ancestral que Tensira valorise en y ajoutant d’autres couleurs, d’autres motifs. Avec ce coffret, on découvre donc à la fois le thé, ce savoir et des couleurs magnifiques. J’espère donc que cette collaboration durera longtemps.
Quelle est selon toi le plus ardu pour une femme entrepreneure, une femme entreprenant ?
Concilier vie professionnelle et vie personnelle.
Le temps me file entre les doigts. Ce n’est vraiment pas évident. On se demande souvent si l’on fait bien, si l’on fait suffisamment. Quelquefois, je culpabilise. Je trouve que ma fille ne me voit pas assez, que je ne passe pas suffisamment de temps avec elle. Le monde du thé est très masculin. Cela rend la chose d’autant moins évidente.
Il me faut cependant aller au-delà. On doit se dire que l’on peut être à la fois une bonne mère et une bonne cheffe d’entreprise. Le tout est le courage : de faire au mieux, d’être les deux, de gérer ces deux entreprises à la fois.

L’Afrique du Sud
Producteur exclusif du rooibos, une boisson que les populations locales consomment depuis plusieurs siècles et que l’on prépare à partir d’une plante de la famille des légumineuses. Cette plante qui est cultivée dans les plaines de la région du Cedarberg est un buisson de 1 à 2 mètres de hauteur pourvu de petites branches ramifiées. Les feuilles et les tiges sont récoltées pour ensuite être coupées, broyées, oxydées et séchées au soleil.
Kanthé Paris
Quel est le thé que tu préfères ? Pourquoi ?
Mon thé préféré est celui du moment, celui que je bois lorsque j’ai soif.
Le matin, je le choisis en fonction de mon humeur. Si j’ai manqué de sommeil, je prends un thé noir. Si j’ai un peu de temps, j’opte pour un thé vert. Si la veille, j’ai reçu une bonne nouvelle, je m’accorde une bonne demi-heure pour boire un thé blanc. Celui-là demande beaucoup plus d’attention.
Quel est le thé de l’aventure ? Celui de l’apaisement ? Quel est le thé de l’amour ?
Pour l’aventure, je choisirais le thé Soumaoro, un clin d’œil à mon nom de famille. Soumaoro Kanté était un puissant roi d’Afrique. Soumaoro est un thé noir au gingembre qui redonne du tonus. L’aventure est pleine de surprises, d’énergie, d’agilité. Ce thé-là me semble donc approprié.
Le thé de l’amour est celui que l’on partage avec les gens que l’on aime. Cela peut être n’importe quel thé. J’ai donné le nom Djarabi, qui signifie amour, à un thé vert aromatisé à la pêche et au gingembre, parce qu’en amour il faut les deux : un peu de pêche et de piquant.
Pour l’apaisement, je choisirai une infusion plutôt qu’un thé.
Une infusion allie le plaisir gustatif au bien-être. Je pense à Une nuit à Kankan. C’est une alliance de citronnelle, de verveine et de menthe. Cela crée une boisson relaxante, digestive et apaisante. Pour un soir, au coin du feu, je proposerai celui-là. Il me rappelle mon enfance.
J’ai passé quelques nuits à Kankan, la seconde capitale de la Guinée. C’est là où, dans mon souvenir, j’ai vu les plus beaux ciels étoilés. Ces nuits restent, jusqu’ici, les plus belles que j’ai vécues.

L’apaisement… 
L’aventure… 
L’amour
Quelles saveurs, mélange.s de saveurs, accompagnements méritent d’être tentées ?
Un accord thé/mets.
Aujourd’hui, le thé est invité aux plus grandes tables, dans les restaurants étoilés. Il peut agréablement remplacer le vin. Essayez !
Surprenez vos convives avec un thé noir ou thé vert servi dans un verre à vin. Le laisser infuser puis refroidir entre 40 et 50°… Les plateaux de fruits de mer peuvent être accompagnés de thé blanc ou un thé vert nature, également servis dans un verre à vin. On peut enfin accompagner un plateau de fromage de thé noir.
Quel endroit te semble le plus propice à la dégustation ?
Le thé est une boisson qui s’apprécie dans la plus grande simplicité.
Pour en boire, il ne faut que l’eau, de quoi la chauffer et un peu de temps. J’aime le déguster le matin ou l’après-midi, avec les gens que j’aime. Le thé sera toujours un compagnon agréable.
Je serai donc tentée de répondre : partout !

Le Malawi
L’un des premiers pays africains à commercialiser sa production dès 1880, le Malawi fait partie aujourd’hui des principaux pays producteurs d’Afrique.
Après le coton, le thé est la principale culture d’exploitation du pays.
Les premières plantations ont vu le jour en 1878 et se sont étendues progressivement aux régions de Malanje et de Thyolo.
En cette fin d’année 2021, que te souhaites-tu ? Que souhaites-tu aux tiens, au monde ?
La santé ! J’ai hâte de tourner la page de cette épidémie…
Je nous souhaite à toutes et tous de l’amour, de la bienveillance. Prenons soin de nous.
On attend souvent le soin des autres mais c’est quelque chose que l’on doit s’accorder et s’offrir autant que possible. Donnons de l’amour et accueillons 2022 avec joie.
Une citation inspirante autour du thé ?
« Une bonne douche réchauffe le corps. Une bonne tasse de thé réchauffe l’âme et l’esprit »

