L’amour au temps des GAFA – 8/10

« L’amour est un mot de lumière écrit d’une main de lumière sur une page de lumière » (Khalil Gibran)

Un ami racontait récemment une soirée au restaurant.
Fin de semaine, endroit calme, lumières tamisées. A son côté, un couple attablé, l’un face à l’autre, chacun son portable à la main. Le moment a dû être long. Suffisamment pour qu’il exprime son étonnement, sa déception d’une époque où l’on n’est plus capable de profiter de l’autre face à soi, à côté de soi, où l’écran, le portable sont devenus cette indispensable source de distraction.

L’époque encore…

C’est quoi l’amour ?

La fuite est-elle la question  ?
Ces deux personnes avaient-elles véritablement envie d’être là ?  L’amour est-il encore, au temps des GAFA, une affaire de preuve plus que de sentiment, de sensibilité ?

Lorsque l’on parle de sentiment, on attire soit :

  • des regards attendris devant cette pauvre petite chose qui n’a pas compris que tout cela a disparu, que ce qui compte, c’est la réussite, exister, être un vainqueur, un gagnant, l’élu, de celles et ceux qui gèrent, qui contrôlent, qui maîtrisent, sortir du lot, être vu, aussi bien que possible, autant que nécessaire, parce que les vues font la réputation, que la réputation fait la valeur sur le grand marché de la solitude
  • La foudre de ceux qui pensent exactement pareil mais qui n’ont même plus le temps, la force, l’envie, l’énergie,  la gentillesse,  la bienveillance de s’attendrir tant ils considèrent que c’est une perte de temps et que le temps, c’est l’argent… Bla, bla, bla.
  • Un – plus ou moins – beau moment de discussion pour conclure, qu’enfin, l’époque n’est pas simple pour les sensibles…

L’amour, une affaire de preuves ou de sentiment ?

Qu’est-ce que cette « inclination passionnée ou sexuelle» qu’est l’amour  ? De quoi est-elle faite ? D’intérêt ? De confiance en soi ? De certitudes ? De conviction ? D’une volonté indéfectible de construire CETTE vie-là, avec une personne qui partage vos vues ? C’est ce qu’estime Christophe. Est-ce contourner la solitude, fort de capacités mesurables selon des normes prédéfinies par la société, acceptables pour elle ? C’est ce que pense Romain. Si Aimer, c’est préférer un autre à soi-même (Paul Léautaud) Romain semble préférer rester seul plutôt que d’aimer mal. Il n’est sûr de rien, plus sûr de lui, plus sûr de vouloir construire quoi que ce soit. Plus sûr d’en avoir la carrure, d’en avoir les épaules. Parce qu’il pense l’amour, Romain, comme une récompense qu’il ne mérite pas : il a perdu sa valeur. Mais l’est-il, une récompense ? Un prix pour les meilleurs ?

Époques, fuites et contournements

Qu’est-ce que l’amour ? « Le besoin de sortir de soi ». (Baudelaire).
Très bien mais enfin, Christophe ne fait de mal à personne puisque – vous vous en souvenez – sa compagne adhère à son propos et que tout le monde semble aussi heureux qu’à l’issue d’une affaire bien conclue. Et puis, sortir de soi, Grégory a connu cela. Il a eu chaud. Alors, sortir d’accord, mais pas trop loin des sentiers battus. Est-ce que ce ne serait pas tout cela, tout simplement, aimer au temps des GAFA ?

« L’amour est un mot de lumière écrit d’une main de lumière sur page de lumière » disait Kalil Gibran. Les mots des poètes ont toujours été le sucre qui adoucit la vie. Hier comme aujourd’hui. La vie est-elle si différente ? L’amour est-il si différent ? L’époque a-t-elle changé quoi que ce soit ? Qu’est-ce qui a changé si ce ne sont les moyens de fuite et de contournement ?
Hier, le travail, la condition sociale, l’absinthe, aujourd’hui, le travail, la condition sociale, le portable, les écrans.
Aimer, reste inassuré. C’est pourtant tout ce qu’il y a de plus certain. On le sent quand on aime. On le sait quand on aime. « Aimer, c’est bien. Savoir aimer, c’est tout« . (Chateaubriand)

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