Pleurer d’amour, jamais de chagrin – L’amour (2)

(…)

Il y avait l’autre jour, cette émission sur les réseaux de rencontres. Il y aurait 120 millions de rendez-vous amoureux chaque année. Et, dans sa ‘quête du partenaire idéal’, le célibataire-témoin est très pragmatique : le citadin ne quête que parmi les citadins, le rural parmi les ruraux, le « riche » ou en voie de le devenir, parmi les « riches » ou en voie de le devenir.

De l’agence à l’entremetteuse du coin, tous disposent d’un faisceaux de données à même de répondre à cette attente endogame, la rencontre étant basée sur toute une série de statistiques et de correspondances prédéfinies.  Quand cela ne fonctionne pas, des ‘coachs’ affinent et recadrent le style, reprennent en main la manière de marcher, de se penser, pour verser dans le moule où gonflera le meilleur amour, une meilleure opportunité de rencontre.

Rien n’est laissé au hasard.

Ni les photos réalisées par un professionnel spécialisé, ni la tenue le jour J, certifiée par des acheteuses qui ne le sont pas moins. On ne se laisse plus porter : on calcule. On prévoit. On anticipe. On gère. 

Est-ce vivre ? A voir. C’est signe en tout cas que lorsque l’on veut, on sait y mettre, sinon la forme, au moins les moyens.

 

Au bout du compte, de la série de reportages, la psychologue conclut qu’« une relation est basée sur le respect, la tendresse, la surprise ». Elle rappelle que « la rencontre est d’abord celle de deux inconscients ». Nous voilà rassurés. Poursuivons…

Je n’imagine pas une minute vivre dans un monde où tout le monde serait d’accord sur tout, tout le temps. Tant mieux : je ne vis pas dans ce monde-là. Toi non plus. Et vous autres pas plus. C’est bien parce que nous ne sommes pas d’accord que les choses sont excitantes. C’est parce que nous sommes différents que nous sommes intéressants. C’est par cela que la rencontre est riche, passionnante. C’est là que réside toute la beauté de l’aventure humaine, dans la différence, l’envie d’y être confrontée, dans la surprise. Non pas pour la lisser, la différence, mais bien pour la comprendre et la dépasser et toucher ce qui le supplante : vous savez quoi.

Vous ne savez pas ?

L’amour.

 

« Toute définition qui tenterait de l’enfermer serait vouée à l’échec puisqu’il est infini, indéfinissable. Il ne s’arrête que là où nous arrêtons de le penser… »

 

Il est souvent question du couple, de sa fin, de ‘crise’ du couple, ce terme « crise » étant le meilleur puisqu’il signifie ce moment de tumulte en attendant mieux, un passage, une transcendance. Si un couple est supposé basé sur quelque chose d’aussi terre-à-terre que l’appartenance à un groupe social, c’est peut-être la raison pour laquelle il est en ‘crise’. Tandis qu’il recherche les moyens d’échapper à ce carcan-là pour toucher l’ultime, le suprême.

 

J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante.

 

L’amour est la base.
L’amour est supérieur – et de loin – à toutes les considérations politiques, économiques, esthétiques, culturelles. L’amour, c’est ce truc indéfinissable qui n’a que la consistance qu’on lui prête. Il n’a pas de forme fixe. Il est mouvant. Toute définition qui tenterait de l’enfermer serait vouée à l’échec puisqu’il est infini, indéfinissable. Il ne s’arrête que là où nous arrêtons de le penser. Il est aussi différent qu’il y a de différences. Il est celui de Rimbaud et Verlaine, de M.M et l’autre professeur. Il est celui de Tristan et Yseult. Il est celui de Belle et le clochard. Il est celui Bridget et Darcy. Il est celui du couple Loving. Il est celui que l’on imagine et celui que l’on n’imagine pas du tout. Il est dans ce que l’on a ressenti à ce moment-là, à cette minute-là. C’est cette alchimie, ce lien que l’on ressent, que l’on accepte, que l’on refuse. C’est tout ce qui reste lorsque l’on sépare le détail de l’essentiel. C’est l’essentiel. C’est une route vers soi. C’est une route vers un autre soi. C’est une ouverture. C’est une piste. C’est la trace, l’empreinte que laisse l’autre sur un corps. C’est cette sensation, cette réminiscence qui vous accompagne, celle qui vous fait sourire lorsque que vous êtes seul.e et que vous ressentez l’autre, qu’il vous semble l’entendre rire, là, tout près de votre oreille, de le sentir dans votre dos, lorsque vous sentez ses mains sur vos hanches. C’est cette aspiration de l’autre, réelle, ici, maintenant, ailleurs, là-bas, très loin. C’est un lien que se développe, qui s’entretient, à partir d’une étincelle et qui brûle agréablement.

 

 

 

Il existe tellement fort, l’amour, qu’il est absolument impossible qu’il ne soit pas ressenti par l’un et l’autre quand il est là. Quand on le ressent, on ne peut pas l’ignorer. On ne peut plus faire comme si de rien était. On peut tenter de fuir, il nous rattrapera. C’est cela l’amour.

C’est cela le truc.

C’est ce que ressentent les âmes sensibles, ce à quoi elles s’ouvrent. Ce à quoi elles s’accrochent, sans calcul, sans se poser la question du temps, du contrôle, des traditions, des différences sociales, de la bien-pensance, de la bienséance, de l’âge, des apparences, des complications, des détails. Elles se disposent à accueillir. Elles décident d’accepter. Elles décident d’essayer. Elles conditionnent le terrain pour. Elles se tiennent prêtes.

 

« N’être pas sensible n’est pas une tare. Être malhonnête est un défaut. Entrer dans la vie d’un être, y planter la graine de la tristesse, de la méfiance est malhonnête. »

 

Quand on ne l’est pas, prêt, rien n’empêche d’être honnête. N’être pas sensible n’est pas une tare. Être malhonnête est un défaut. Entrer dans la vie d’un être, y planter la graine de la tristesse, de la méfiance est malhonnête. C’est mesquin.

Il nous faudra enfin, une fois pour toute, interroger cette faculté d’excuser la mesquinerie, la médiocrité morale, cette habitude de la contourner, de ne pas la nommer pour ce qu’elle est. Est-ce une excuse à ce que nous sommes, un peu, au fond, à ce nous craignons d’être ? Cette excuse n’exonère pas le mal que l’on fait. Dans cette habitude d’excuser l’inexcusable germe une civilisation qui ne croit plus en rien, pas même à un chose aussi simple que l’amour. Ou le bonheur.

 

« Ils sont ensemble tous les jours, le soir, en fin de semaine, en vacances… Le monde ne comprend pas ».

 

Pour sa seconde, l’émission Je t’aime, etc. a pris à témoin un couple, heureux et amoureux depuis 30 ans. Ils se sont rencontrés adolescents. Ils ne se sont plus quittés.  Ils n’ont pas envie d’aller voir ailleurs parce qu’ils sont bien ensemble. Elle aime l’équitation : il s’y est mis pour comprendre, pour partager sa passion, par amour. Ils sont ensemble tous les jours, tous les soirs, en fin de semaine, en vacances. Leurs enfants ne comprennent pas. Le monde ne comprend pas. Sur le plateau de l’émission, cet amour-là, ce bonheur simple a semblé incompréhensible. Il a semblé chiant. Ce n’est pas grave : ils sont heureux.

Voilà où nous en sommes. A force d’excuses et de contorsions.

Quand on n’est pas prêt, on le dit. Sans détour. Clairement. Quand on n’est pas prêt, on s’abstient. Quand on n’est pas prêt à s’engager, on ne ment pas. Ou alors on assume ce que l’on est. C’est bien la moindre des choses.

(…)

 

 

 

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Aldor dit :

    C’est certainement vrai qu’on pardonne les fautes sue l’on craint de porter soi-même au fond de soi. Ce qui est aussi une forme de sagesse. Et d’amour même, peut-être.

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    1. Dominique dit :

      Bonjour Aldor,
      Sans doute est-ce une forme de sagesse, d’amour. Mais l’autre ? L’amour de l’autre ? On vit pour soi, avec soi, c’est un fait. On vit avec l’autre également, quoi qu’il en soit.

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